La Dame de mes Songes

Dulcinée, telle que l’ont chantée Alexandre Arnoux et Jacques Ibert dans la troisième des quatre Chansons de Don Quichotte(1932), est La Dame de mes songes. Ce pourrait aussi être l’Espagne, telle que l’ont rêvée, au moins occasionnellement des années 1830 aux années1930, la plupart des compositeurs français qui la réduisaient ordinairement à l’Andalousie et à ce qu’ils croyaient être le flamenco. S’ils font bien escale en Andalousie, les interprètes de ce dis que parcourent aussi la Vieille Castille, l’Estrémadure et Murcia par le concours de compositeurs tels Henri Collet, Federico Garcia Lorca, Emiliana de Zubeldia ou encore Raoul Laparra et Jacques Ibert.

 

Comme une déclaration d’intention, les pistes qui ouvrent et clôturent le programme, sont directement issues d’enregistrements de terrain collectés par l’ethnomusicologue Manuel García Matos. Pas de partitions, donc, car l’autre fil d’Ariane de la Dame de mes songes est la tradition orale, et donc la liberté d’interprétation impliquée par des compositions inspirées de chants et de danses populaires par nature en constante évolution.

 

Ce répertoire «dans le genre espagnol» fait grand usage de quelques rythmes de danse (habanera, bolero, seguidilla, sevillanas, jaleo) et de la gamme et de la cadence «andalouses». Dans l’arrangement pour clavecin de Camille Delaforge, les figurations de la guitare abondent: mixtures d’accords avec acciacatures, batterie d’accords (rasgueados), notes répétées à découvert (punteado) et arpèges développés aux deux mains. Le clavecin donne des couleurs inédites (acuité rythmique des cordes pincées) mais préserve la richesse harmonique du piano tandis que la voix, d’une grande diversité d’affects et d’inspiration, explore la saveur des chansons populaires avec une vaste palette soutenue jusqu’aux extrêmes de l’ambitus vocal. Guilhem Worms et Camille Delaforge accompagnés de Ronald Martin Alonso signent ici un voyage inventif et coloré au service d’un imaginaire chevaleresque et d’un lyrisme gitan.

 

Claude Worms

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